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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 23:12

 

 

 

 

Je viens de lire l’article de Beatriz Preciado « Qui défend l’enfant queer ? », dans lequel l’auteure expose ses arguments face aux opposants au mariage homosexuel. Le message principal que j’en retiens est le suivant : en plus d’être rétrograde, l’hétéro-normativité, défendue à corps et à cris par les opposants au mariage des homosexuel(le)s, est un carcan de malheur et de désespoir pour tous les enfants qui vivent eux-même leur éveil à leur différence, c'est-à-dire à  l’homosexualité, la bisexualité et/ou à tout autre sentiment d’inadéquation entre leur genre et le cadre hétéro-normatif dans lequel ils ou elles vivent. Cette construction intellectuelle est très claire, difficilement discutable et correspond, en effet, à des paradigmes sociologiques totalement valable sur le plan scientifique. Pourtant, je pense qu’elle crée aussi le cadre intellectuel dans lequel je vais tenter de la déconstruire. Pas parce que je pense qu’elle crée de la perversion, ou parce que je cultive quelque sentiment de haine, mais parce qu’il y a quelque chose qui, intellectuellement, me dérange profondément dans l’idée d’une hétéro-normativité à mettre à la poubelle, parce que génératrice de malheur.

 

L’hétéro-normativité, c’est l’idée selon laquelle, les garants de l’autorité sociale, parentale ou éducative imposent par des faits de toutes natures (symboles culturels, pression psychologique, parfois même violences, etc.) l’hétérosexualité comme « devant être », l’homosexualité étant reléguée au statut de déviance, pas forcément détestable mais au moins non-souhaitable. Comme le dit si bien, Beatriz Preciado, un enfant « queer » grandissant dans un environnement hétéro-normatif se sentira donc psychologiquement et parfois même physiquement vulnérable. Le diagnostique : déconstruisons l’hétéro-normativité (ce qui, loin de là, ne veut pas dire que nous devions la remplacer par une homo-normativité mais bien justement  par une absence de normativité) en inscrivant, par exemple,dans la loi que le mariage civil n’est plus justement le symbole culturel de l’hétérosexualité. En devenant « hétéro » ou « homo »,  le mariage véhicule un symbole positif pour ces enfants « queers ». Et la société n’en deviendra que plus heureuse.

 

"L’hétéro-normativité, c’est l’idée selon laquelle, les garants de l’autorité sociale, parentale ou éducative imposent l’hétérosexualité comme « devant être », l’homosexualité étant reléguée au statut de déviance."

 

Or, c’est là, que le bât blesse. Depuis la seconde guerre mondiale, le monde occidental s’est tourné vers l’individu. Qui suis-je ? Que veux-je? Et ce pour plusieurs raisons : d’une part,  les jeunes nés après 1945 ont grandi en apprenant dans les livres d’histoire que la culture de la « bien-pensance » et de la « patrie avant l’individu » de leurs ainés (qui étaient leurs parents) avait mené à la plus barbare des guerres et d’autre part,  ce fut une très belle opportunité pour le monde industriel qui y a vu un moyen de généraliser la consommation. Or la culture de l’individu n’est pas compatible avec la normativité (« il faut que », « nous devons » et surtout « vous devez »…), car les règles et les normes par construction ne s’adresse jamais à un seul individu, mais à un groupe, faisant fi des différences de chacun. A partir de 1968, les générations successives ont donc entrepris de déconstruire toutes formes de règles et de normes, avec plus ou moins de résistance. Toutes ou presque les normes « passéistes » étant rendues obsolètes, l’individu peut « s’auto-déterminer » comme le dit Preciado, c'est-à-dire choisir ce qu’il est : sa profession, sa sexualité, son style vestimentaire, etc. Evidemment, il existe toujours des résidus, puisque même le plus convaincu des soixante-huitards confirait à un jeune homme sur le point de passer un entretien d’embauche, qu’il vaut mieux éviter la crête jaune fluo. Mais soit, nous pouvons être qui nous sommes. Et donc être plus heureux.

 

Ou pas. Car la dépression  semble bien être la maladie du siècle, et de ce côté, chaque décennie est pire que la précédente. Les entreprises de mouchoirs et d’antidépresseurs ont encore de beaux jours devant eux. Et on nous avait promis le bonheur, l’amour, l’équilibre psychologique ! En 2014, nous devions être assurément plus heureux qu’en 1968. Il devait y avoir moins d’enfants en souffrance avec le divorce, l’avortement, la dépénalisation de l’homosexualité ! Grâce au divorce, moins d’enfants ont vécu dans la haine conjugale de leurs parents ; avec l’avortement, moins d’enfants susceptibles d’avoir une vie d’indésirables sont nés ; et avec la dépénalisation de l’homosexualité et l’acceptation toujours plus grandes des homosexuels, le mal-être de ces citoyens a dû statistiquement diminuer, non ?  Je ne suis évidemment pas opposée à tous ces faits de sociétés, bien au contraire : j’espère que le jour où mon mari me tapera sur les nerfs, je pourrais m’en séparer et je suis heureuse de savoir que si l’un de mes proches est homosexuel, il n’en subira aucun préjudice!  

 

 Mais la question n’est pas là, puisque il s’agit de bonheur et de malheur. Ainsi, nous pouvons être ce que nous sommes : à nous donc de décider qui nous sommes. Et là, se trouve le nœud du problème, à trop avoir à "s’auto-déterminer", nous errons dans le désarroi le plus total. Car nous n’avons pas, pour la plupart d’entre nous, la force psychologique et morale de décider ce qui est le mieux pour nous, ce que nous voulons réellement pour nous-mêmes : nous n’avons pas la capacité à exister sans les normes ! Et nous finissons donc malheureux comme des pierres. Et nos enfants (pas seulement les « queers », justement) le seront encore plus que nous : dès le plus jeune âge, on leur dira, « tu peux tout être : hétéro, homo, trans, asexuel, bi, poly, etc., c’est pas génial ça ?! ». Nous les adultes, on sera bien content de leur avoir offert un monde sans hétéro-normativité. Mais eux ? Ils se diront comme nous aujourd’hui qu’ils ont bien de la chance de ne pas être nés dans le monde de leurs parents, et pourtant, désabusés, ils s’enfileront des boîtes d’antidépresseurs sans vraiment savoir pourquoi la liberté, l’égalité et l’individualité les auront rendu si incapables d’être heureux.

"Ils s’enfileront des boîtes d’antidépresseurs sans vraiment savoir pourquoi la liberté, l’égalité et l’individualité les auront rendu si incapables d’être heureux.''

 

Au total, il semblerait que le prix pour notre égalité, de notre liberté, et de notre monde sans normes et sans normativité soit bel et bien une boîte de Lexomil. Et les enfants « queers » seront-ils plus heureux ? Ce n’est même pas sûr. Battons nous pour l’égalité des droits mais ne faisons pas comme si nous étions les champions du bonheur pour tous. 

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30 mai 2011 1 30 /05 /mai /2011 22:23

 

How I get thirty with my Friends.

 

 

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Dans des temps pas si éloignés que cela, on disait communément que la jeune fille quittait le foyer de son père pour celui de son mari. Sans transition, disons. Le jeune homme, lui, étudiait en internat ou partait pour le service militaire. Transition sommaire, dirons nous. Bref, vers 23 ans tout le monde était casé et c’était très bien comme ça.

         

Mais au cours des décennies, les études se sont allongées, démocratisées et même féminisées : on ne passerait plus aussi facilement de toute jeune fille ou tout jeune homme à jeunes mariés. Ce phénomène social n’a rien d’anodin : en un sens, le jeune de 20 à 30 ans n’avait plus de statut. Etudiant un temps, bien sûr ; jeune salarié ensuite, c’était un « sans famille », un « sans foyer ».  Pas tout-à-fait jeune, pas encore vieux, il était dur pour lui de se situer : devait-il s’intéresser aux phénomènes portés par les adolescents au risque de passer pour un trentenaire attardé ou se mettre à participer aux discussions fades et adultes des repas de famille ?

 

La colocation est née dans ce contexte : les « colocs » deviennent cette famille transitoire qui comble le célibat juridique et social du jeune de 25 ans. En fait, les séries comme Friends ou plus récemment How I met your mother ont redessiné l’arrivée à la trentaine : il existe désormais des modèles sociaux fondés notamment sur la colocation qui représentent cette période du cycle de vie. Et plus encore : grâce à Rachel, Ted, Ross ou encore Barney, le groupe social des 25-30 ans et leur mode de vie nourrit toutes les aspirations – un jour au moins, nous devrions tous expérimenter l’expérience exaltante de l’appartement newyorkais !

 

            Mais ce modèle de la colocation n’est-il pas un piège : entourés, choyés, aimés par des amis dans un bel appartement, ne risquons-nous pas d’en oublier de vieillir ? Parce le phénomène social de la colocation ne devait être que transitoire, un moyen de combler le vide familiale, il risque peut-être de nous faire 'passer à côté' de nos aspirations familiales : le couple. Cette idée ne se veut pas normative ou morale : elle est sociologique. Le problème posé à la base n'est pas celui de l’adéquation du couple, et même de la famille avec le nouveau cycle de vie, mais bien l’adéquation du célibat temporaire du jeune avec ce cycle de vie. Car, le couple, comme noyau familial est, aujourd’hui plus que jamais, au centre des aspirations.

 

            Mais en réalité, c’est un faux problème : il suffit de considérer le titre How I met your mother. Il indique bien la transition : la colocation n’est que le début de l’histoire. C’est un moyen de vivre au nouveau rythme de la vie et non pas de vivre une autre vie. Avec Friends ou HIMYM on prend conscience qu’on a de nouveau le temps de vivre : rien ne presse, nous n’avons plus cette obligation social d’être casés avant l’heure, et nous paraissons de moins en moins suspect à vouloir attendre avant d’être vieux.

 

            A mon sens, ces phénomènes télévisuels sont, en outre, des cures anti-cynisme, anti-morosité, bref anti-vieillesse. Cela nous rappelle que nous, les jeunes de 20-30 ans, aimons aussi le monde dans lequel nous avons évolué, que la modernité n’est pas que destructrice puisqu’elle a fait de nous ce que nous sommes. Bref, que le droit à l’optimisme et à la bonne crise de rire est inaliénable.

 

H.C.

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 23:31

 

 

Il était enfin temps que je me plonge dans ce livre. Je connaissais l’histoire du livre et de son auteur, mais n’en avais jamais vraiment fait « l’expérience ». J’apprécie assez peu le cynisme forcé ou encore la polémique facile, c’est pour cela que j’ai aimé ce livre. Il n’y a rien que le témoignage d’un journaliste, son intelligence et son talent pour l’écriture. Car il pourrait nous marteler que les associations mafieuses en plus d’être immorales sont néfastes et détruisent des destins entiers. Il pourrait nous mentir un peu pour que nous soyons révoltés le temps au moins de la lecture. Il pourrait se faire le théoricien d’une philosophie anti-mafia en vilipendant le système actuel et ses vices.

 

Mais il ne fait que nous abasourdir et nous étourdir en décrivant avec finesse et intelligence des réalités dont nous nous doutions et que nous avions cherché à éviter. La mafia n’est pas tellement la fille du consumérisme, elle est surtout particulièrement habile pour l’exploiter jusqu’aux confins du sens. Car les hommes et les femmes qui s’embourbent dans cette vie de crimes et d’argent sale ne vivent pas dans un monde différent du notre, ils vivent simplement différemment dans le même monde. Quand nous nous trainons dans les boutiques, et essayons des jeans à tour de bras ; eux quelques mois avant avaient débarqué clandestinement ces jeans le long d’une côte napolitaine. Quand nous jetons nos déchets, un peu coupables d’encombrer nos espaces de détritus qui sont les excréments de notre système ; des hommes négocient illégalement des terrains du sud de l’Italie pour enfouir ces monceaux de déchets, empoisonnant à quelques kilomètres de là, leur propre famille. Et les vies se font et se défont ainsi, dans cet ailleurs qui nous semble si loin dans l’espace mais surtout, et à tort, dans le temps. Dans cette Italie mafieuse, le temps s’écoule comme partout et les années quatre-vingt-dix sont déjà oubliées depuis longtemps ; seules les vies y sont plus courtes.

            Pourquoi le choix du crime? Pourquoi le choix du clan? Pourquoi cette absurdité? Ces questions restent car, si l’on comprend bien les variables sociodémographiques et les subtilités culturelles, on est assez peu perméable aux raisons qui poussent un homme, une famille de faire le choix des armes, du crime organisé ; autrement dit d’une mort violente et prématurée pour soi-même et les siens.

 

            C’est qu’il fallait choisir une absurdité parmi tant d’autres : des valeurs parmi les valeurs, un idéal parmi les idéaux, un destin misérable ou un autre. Là où l’on n’a pas appris à espérer et à croire au moins vaguement à l’ascenseur social, on n’est pas moins naïfs qu’ailleurs ; alors on s’éprend de la vie mythifiée des padrini . Là où l’on est les témoins de l’envers du décor, c’est à dire du consumérisme et de la profusion des importations et de la production de détritus, on n’est pas moins sensible au confort et à la richesse. Au contraire, dans ces territoires enclavés de l’Italie des clans, où tout semble éphémère et désespéré, le gaspillage, les flux incessants de capitaux douteux, la consommation à outrance semblent les seuls moyens de s’approprier sa propre vie, elle-même brève et incertaine. Choisir le clan, c’est s’extraire un peu de l’absurdité créée par le clan lui-même.

 

H.C

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 00:23

 

L'interview a souvent ce mystérieux pouvoir d’embellir les discours, de sublimer les réponses. Car le journaliste prend toujours soin de supprimer les aléas du dialogue réel, les accidents du langage bien entendu, mais aussi les réponses maladroites, les plaisanteries malvenues ; bref tous ce qui fait la piètre qualité de l’entrevue directe et « nature ». C’est pourquoi telle star, telle personnalité nous a l’air si éloigné, car ses réponses ont l’air toujours si « propres », si pertinente, trop bien trouvées. Et tac, voilà notre interviewé qui a l’air sensiblement plus intelligent, ou plus cool, et tellement plus profond.

 

"Cette tendance à l’interview perpétuel

est liée à ce que nous appelons

l’individuation de la société."

 

 

 

            Même dans les magazines féminins, les journalistes arrivent à rendre la réponse à la question « Quelle est votre geste beauté ? », tellement plus « in » et vraiment pas superficielle. « Je purifie ma peau avec SublimSkin de Clarins, et passe un soin correcteur de Chanel. Pas besoin d’en faire des tonnes selon moi, un peu de liner de Gemey et le tour est joué ». Bizarre, je me sens bien plus bête quand je me refait une tête le matin, sans compter que je ne connais pas vraiment le nom précis des produits qu’il y a dans ma trousse de toilettes. Sans parler non plus du florilèges de réponses abracadabrantesques qui nous apparaît comme tellement cool dans un interview : « Il m’arrive souvent de me réveiller en plein milieu de la nuit pour prendre un bain », « Je peux rouler toute une journée pour trouver un glacier qui fait de la glace à la banane », « Quand je suis inspiré, je vais dans un supermarché, juste pour observer les gens ».

 

"Pas de suspens, les phrases les plus remarquables

étant déjà révélées en grand et en couleur

au centre de l’interview."

 

 

            Dans ces mêmes magazines, on trouve souvent des interviews de vedettes dont les questions sont vagues, presque sans intérêt à laquelle s'oppose une réponse-type qui, finalement ne parle de rien, ne nous apprend rien. Mais lorsque ces réponses ont un nom, un visage, ce vide est beaucoup moins évident ; car l’interview met en scène le discours de quelqu’un, son langage. Dans de nombreux cas, l’interview répond à nos attentes, nous lisons juste les mots simples et bien organisés d’une personnalité que nous connaissons plus ou moins. Pas de suspens, les phrases les plus remarquables étant déjà révélées en grand et en couleur au centre de l’interview.

 

            Je crois sincèrement que cette tendance à l’interview perpétuel est liée à ce que nous appelons l’individuation de la société. Il nous importe de moins en moins de lire les idées d’un groupe impersonnel, ce que nous voulons c’est d'entrer au coeur de l'individuel, car nous avons été habitué à son langage, plus qu’a celui d’une voix qui parle au nom du groupe. A l’école républicaine de la fin du dix-neuvième siècle, les écoliers lisaient sur de nombreuses affiches civiques des messages autoritaires et dépersonnalisés  («La misère ne justifie pas la malpropreté. Il est toujours possible d’être propre ») ; ceux d’aujourd’hui voient à la télévision telle ou telle coiffeuse sélectionnée pour telle ou telle émission déclarer, dans un petit préambule qui la présente : « Je pense pas que prendre soin de soi, ça soit une question d’argent. Moi, je pense que c’est une façon de se respecter et de respecter les autres ». Le message reste à peu près le même, c’est la situation de langage qui change. L’interview est bel et bien un mode d’information propre à notre société individualisée.

 

En fait, nous lisons autant d’interviews car nous avons peut-être au fond ce drôle de fantasme d’être interviewés à notre tour.  Qui viendra écouter nos paroles, et qui saura les retranscrire ? Car, finalement, l’interviewé parle-t-il vraiment pour le lecteur ou pour lui-même ? Quelle part de langage est finalement vraiment destiné à autrui ?

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23 mai 2011 1 23 /05 /mai /2011 00:01

 

            J’ai lu ce livre sans raison. Le « tu » narratif que j’ai aperçu en le feuilletant m’a interpellé, il m’a presque semblé d’une originalité inesthétique. Ce qui était à l’origine une curiosité s’est finalement révélée être une expérience à la fois insaisissable et irréparable. Je n’y cherchais rien, juste quelques lignes pour passer le temps. Je venais de lire un recueil de nouvelles décevant, où il était question de sentiments forts et sensément saisissants. Il n’en était rien, les histoires étaient les prétextes d’une exaltation imperméable et artificielle d’un auteur, qui trop pressé ou trop immature, voudrait tout dire ; et qui ne dit pas grand chose.

 

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J’ouvre alors L’inconsolable d’Anne Godard, peu exigeante. J’aperçois sans délai la profondeur de l’oeuvre, sa maturité terrible. Dès les premières lignes, j’aime l‘écriture. J’aime sans limite ce langage superbe et pourtant sans érudition, presque opaque dans ce qu’il exprime et jamais par un langage snob qui voudrait s’exhiber. J’ai presque oublié le « tu » narratif qui donne un vrai relief au personnage, et j’ai pensé au cours des chapitres que peut-être au fond de soi, l’âme se tutoie. J’ai aimé cette distance à l’ego, qui rend plus évident les distorsions de la perception et qui évite le dégoût subtil d’une âme qui se décrit elle-même.

 

            Rien d’amusant au cours des cent cinquante pages du livre. Il y a une mère dont l’âme a été dépecée par le drame de la mort du fils. Elle se complait dans sa souffrance. Elle y cherche une identité, un destin, peut-être. C’est un fardeau qu’elle ne cèderait à personne tant il lui appartient et tant elle y tient. Elle voudrait être célébrée afin de paraître infiniment humble ; elle voudrait être plainte pour exhiber son courage ; et si nul n’envie sa place, elle se réjouit que cette place soit la sienne. C’est une femme qui se convainc que nul n’aurait pu souffrir pareil horreur, et qui dès lors méprise tous les autres êtres. Elle se déshumanise dans cette fierté pervertie. Ses mots sont des lames par lesquels elle voudrait blesser « les autres », les survivants, ses enfants. Je crois que c’est cela qui m’a tellement marqué dans l’oeuvre : la haine raisonnable et méprisante d’une mère pour ses enfants survivants. Elle les aurait voulu instruments de sa souffrance, elle aurait voulu lire dans leurs yeux la reconnaissance d’une souffrance qui serait à jamais légitime et qui lui laisserait le droit de les délaisser, eux. Mais les années passent et ils lui reprochent chaque jour un peu plus son attitude, ils se détournent d’elle car ils n’ont jamais pu vivre que dans l’ombre d’un frère qu’ils n’ont même pas eu le droit de pleurer, et dans le mépris d’une mère qui ne les a jamais trouvé à la hauteur de son  drame. J’ai été saisie par la force de cette haine, jamais artificielle, mais révoltante. En fait, le génie de l’oeuvre m’a semblé être cette manière de décrire les mouvements d’une âme déshumanisée qui n’aime plus qu’un seul être, son fils, le mort, le moins humain de tous puisqu’il n’est plus qu’une idée ; sans que jamais qu’il nous vienne à l’esprit que cette mère est un être détestable et méprisable : elle se trompe seulement. Mais son erreur est la plus terrible qu’il soit : elle a rejeté l’amour de ses enfants, elle a voulu les défaire, elle croyait que ce n’était que justice.

 

            Je crois que le vrai drame de L’Inconsolable n’est pas tant le suicide du fils que l’injustice absolue de ne pas avoir reçu l’amour inconditionnelle d’une mère. Pourtant, par endroit, il apparaît dans l’oeuvre que l’inconsolable mère ne s’est pas  déshumanisée à travers la seule épreuve de la mort de son fils mais que dès le début, elle souffrait d’une incapacité à aimer simplement et absolument, et qu’elle a trouvé dans la mort de son fils un moyen de légitimer la froideur saisissante de son âme.

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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 23:52

« Une folie et un crime », tels sont les mots de Joseph Caillaux pour qualifier la Grande Guerre. Ainsi, lorsqu’en 1918 la France victorieuse s’extirpe enfin des tranchées et de leur enfer, elle connaît le prix de sa victoire, car elle ne peut que le constater ; mais elle n’a peut-être pas encore conscience du déséquilibre profond créé par une folie collective et une violence et une cruauté acceptées par tous et adressées à tous.  En quatre ans le monde (qui signifie à peu de chose près l’Europe, en ce temps-là) s’est automutilé et autodétruit, au travers d’une guerre d’empires, à l’origine, qui est devenu une guerre de rien, se perpétuant comme par nécessité, et dont la victoire n’est rien d’autre qu’une absurdité à laquelle pourtant on ne peut renoncer. La France, alors, ne peut que souffrir d’un sentiment beaucoup trop ambigu pour ne pas sombrer dans une sorte de folie que sont les « Années folles » et les « Années sombres ». Dès 1918,  elle est animée d’un double sentiment : celui de nostalgie – le sentiment d’avoir perdu un monde-, et celui d’un optimisme feint – l’éternel conflit franco-allemand ayant trouvé son issue, l’Europe peut se chercher un avenir. L’entre-deux-guerres ne serait alors que l’histoire d’une schizophrénie collective qui resta sans diagnostique et qui aboutit à « une folie et un crime » plus absolus encore.

 

-"Les français veulent la paix et l’argent du boche. Ils n’auront ni l’un ni l’autre."-


            A l’heure de la victoire déjà, l’ambiguïté est grande : est-ce l’humaniste français que l’on doit célébrer ou la France comme un empire glorieux ? Le « droit des vainqueurs » que revendiquent les puissances victorieuses d’Europe n’est-il pas incompatible avec une victoire que l’on voudrait présenter comme culturelle et morale, à l’école communale notamment ? Cette opposition qui anime en 1919 la signature du Traité de Versailles crée de nombreuses frustrations et cultive un sentiment d’inachevé. Dès lors, le traité ne peut plus se comprendre comme une issue ou une conclusion, mais comme un compromis provisoire et précaire qui prépare de nombreux déséquilibres. En France, par exemple, il apparaît très vite un dilemme entre les réparations allemandes et la sécurité : d’un côté, les français souhaitent avidement « faire payer le boche » mais de l’autre, ils développent une phobie de la guerre. Lorsqu’en janvier 1923, Poincaré décide d’occuper la Ruhr dans le but de prélever directement le paiement allemand, la perspective même vague d’un conflit armé inquiète les français, et Poincaré doit renoncer à sa politique stricte d’application des traités. Mais au fond, la relation franco-allemande reste fondée sur cette dualité : les français veulent la paix et l’argent du boche. Ils n’auront ni l’un ni l’autre.

 

 

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Mais soit, en 1918, c’est bel et bien la paix. La société française parfaitement bouleversée pendant quatre années de guerre violente et totale cherche ses nouveaux repères entre le mythe de la Belle Epoque et le souvenir encore frais de la Grande Guerre. Dans la bourgeoisie parisienne, les jeunes hommes ont été élevés avec l’image du rentier incarnée par leurs pères et voient pourtant s’ériger au loin un modèle tout à fait différent, celui de l’entrepreneur américain qui s’annonce comme le futur modèle du bourgeois. Les femmes elles ont encore à l’esprit cette image idéalisée de la femme de la Belle Epoque, qui sous ses ombrelles de dentelles inspire un respect galant et une admiration mystérieuse. Mais un contre modèle est né, celui de La Garçonne, femme libérée qui brise les codes, qui rend désuète cette féminité traditionnelle et promeut, même de manière encore marginale dans les magazines féminins qui voient le jour, une féminité revisitée. Dans les rues de Paris, tout ce beau monde cherche un optimisme proprement parisien dans une culture foisonnante et toujours plus vive. Les théâtres, les music-halls, les opéras sont les refuges d’une société qui cherchent à rattraper le temps perdu et à oublier la guerre, mais les créations culturelles connaissent elles aussi une sorte d’inadéquation entre modèle anciens et modèle naissant : si la plupart des oeuvres sont plutôt classiques et figuratives, la fascination pour la subversion et l’illusion donne naissance à des mouvements comme le surréalisme, très circonscrits sur le moment, mais qui reste aujourd’hui encore emblématiques de  l’époque. En somme, c’est un curieux mélange. Mais l’entre-deux-guerres n’est ni seulement parisien ni seulement bourgeois. La société entière présente les symptômes d’une schizophrénie collective.

            La réalité démographique française dénote avec l’idée laissée par l’expression « Année folles », elle est même très préoccupante : dès 1924, dans une France de l’après-guerre pourtant exsangue, le taux de natalité devient inférieur à celui de l’avant-guerre. Il n’y a donc pas d’optimisme collectif et pourtant une sorte de fièvre de jouissance; quand le paysan français, attablé pour le dîner, affirme vivement avec une sorte d’excitation que sans nul doute cette guerre était la « der des ders », y croit-il lui même? Est-ce une prophétie rassurante ou l’intuition du contraire ? Les poilus, voilà peut-être ceux chez qui les sentiments sont les plus ambivalents. Ils oscillent entre le souvenir récent et humiliant des tranchées, de leur violence, leur absurdité et surtout de leur ignominie et une fierté indicible d’avoir été là, pour défendre les terres et peut-être aussi d’avoir été là au coeur d’un spectacle encore inédit dans l’histoire de l’horreur humaine. Ils refusent toute politique et ne voient désormais pourtant de légitimité politique que parmi les leurs. Mais l’ambivalence se retrouve aussi à un autre niveau et prépare d’ailleurs les antagonismes des années 1930 : il y a deux modèle de poilus au lendemains de la guerre. Celui qui revient de la guerre « dégoûté, pacifiste, dépolitisé, épris de modernité et de nouveauté pour tenter d’oublier », et celui qui en revient «  belliqueux, politisé, épris de revanche » (E.-E. Schmitt) ; si le second n’est pas typiquement français (il est plutôt italien ou allemand), ce double modèle permet de comprendre dans les années 1930, l’opposition fascisme-antifascisme (on comprend alors que l’antifascisme français est en réalité bien plus important que le fascisme français, ce qui n’est pas le cas en Allemane ou en Italie).

 

-"Les modèles politiques qui dominent numériquement la vie politique française sont en fait des modèles déclinants"-

 

 

            En réalité, la politique française connaît de grands paradoxes : en surface, on remarque surtout le décalage entre le vote des français, à droite et visant le retour à l’ordre, et la composition des gouvernements plus à gauche. Mais il y a une autre réalité plus subtile : les modèles politiques qui dominent numériquement la vie politique française sont en fait des modèles déclinants. Le radicalisme, qui reste durant l’entre-deux-guerres le groupe politique le plus important, est en fait sur le déclin : optimisme de gauche et mythe de la Belle-Epoque, il n’a plus sa place dans une société où l’optimisme politique est désuet et le XIX ème siècle est achevé. L’échec de la politique laïque en 1924 montre bien que les oppositions classiques ne fonctionnent plus, et pourtant, il n’y a guère de formule politique nouvelle proposée aux français. Les ligues des années 1930, qui voient déjà le jour, se poseront comme un modèle politique nouveau et adapté, c’est ce qui explique leur relatif succès. Quoiqu’il en soit, durant les « Années folles », la politique française est indécise : elle doit constaté  l’échec du républicanisme d’antan mais aussi son incapacité à inventer un nouveau républicanisme. Car le malaise français est sans origine, sans nom ; il n’y a pas d’ennemi identifié ( « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! », s’exclamait Gambetta) . Est-ce le communisme encore considéré comme inoffensif et passager ? Est-ce le fascisme naissant de Mussolini ? Est-ce l’Allemagne éprise de revanche ? Est-ce l’Amérique protectionniste ? L’Empire qui au loin commence à se révolter ? Est-ce la guerre, monstre infâme qui défigure les soldats et détruit les familles ? La France ne se trouve pas d’ennemi commun pour cimenter sa République. Ainsi, lorsque dans les années 1930 les périls extérieurs se font toujours plus menaçants, les français ne parviennent pas à accorder leur patriotisme autour d’un principe ou d’un ennemi commun. Pire, ils s’opposent et se contredisent eux-mêmes : les antifascistes deviennent belliqueux par résistance contre les coups de force hitlériens et la droite devient pacifiste par anticommuniste (« Laissons Hitler détruire Staline ») ; par idéologie,les français refusent de voir la réalité, c’est-à-dire la nécessité de se rassembler face à une Europe qui devient périlleuse . Ces contradictions collectives mènent sans délais la France au désastre : une guerre sans volonté, sans bonne volonté, la défaite, l’armistice humiliant, l’occupation, etc.

 

-"Ces contradictions collectives mènent sans délais la France au désastre."-

 

 

            « Schizophrénie : psychose caractérisée par une désagrégation psychique (ambivalence des pensées, des sentiments, conduite paradoxales), la perte du contact avec la réalité et le repli sur soi » (Le petit Robert 1). Comment mieux décrire la société française de l’entre-deux-guerres ? Elevés dans l’optimisme inégalé de la Belle-Epoque, les français connaissent un pessimisme inédit engendré par la Grande Guerre, la crise économique et financière sans précédent de 1929 et une aspiration irrésistible vers une nouvelle guerre mondiale. Dans toute l’Europe, l’entre-deux-guerres se caractérise par un manque de pragmatisme économique et politique et par un repli sur soi des états. Les totalitarismes naissent et se présentent comme l’unique moyen de sortir du désarroi quasi psychologique dans lequel est plongée l’Europe. Hitler ira plus loin : c’est la guerre même qui pourra extirper l’Europe de son impasse. Son nouvel ordre raciste et autoritaire se veut sans ambiguïtés, sans contradictions, il ne laisse aucune place au doute : au lieu de contester la défaite, il préconise la guerre ; au lieu d’un antisémitisme  passionnel, il propose un antisémitisme rationnel. Car évidemment, la mort et la destruction suppriment toutes les ambiguïtés. La schizophrénie est un mal qui ne touche que les vivants.

            En 1945, il ne reste plus rien du siècle passé : ni nostalgie, ni républicanisme anticlérical, ni grandeur européenne, etc. La modernité s’impose parce qu’elle n’a plus rien de contradictoire. Les oppositions sont nettes, sans ambiguïtés, et les ennemis de chacun sont parfaitement identifiés : ils se nomment URSS et Etats-Unis. Mais à chaque temps, sa folie : la schizophrénie laisse place à la paranoïa.

H.C.

 

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22 mai 2011 7 22 /05 /mai /2011 23:42

 

« Il n’y a plus d’histoire ! Finie la lenteur des siècles !  Le temps n’est plus une fuite, mais un trou noir ! ». C’est que le vingtième siècle nous a bien secoué, quand même. Je me figure un paysan de 1908, le brin de paille entre ses dents gâtées. Lui qui pense déjà que « l’temps nous fait la nique ! »,  et que la modernité nous tuera tous, a­-t-il pu rester aussi flegmatique quand le monde a enterré ses poilus sous une pluie de plombs ? A-t-il réalisé le pas glissant qu’a fait l’humanité quand elle s’est engouffrée dans une guerre improvisée au nom d’un « racisme rationnel » ? A-t-il compris le petit Albert quand, excité et essoufflé, il lui annonçait que la guerre était finie « parce que les Américains ont envoyé une bombe grand comme Paris sur les Japonais » ? Comment a-t-il admis que le monde qu’il avait connu comme un monde d’empires deviennent un monde de blocs ? Bref, a-t-il pris la mesure des changements inconsidérables qu’a subit son univers ? Quand, pendant des siècles les hommes sont morts comme ils étaient nés, dans la même maison et parfois dans le même lit, notre paysan de 1908 est mort, cinquante ans plus tard, dans l’appartement exigu de l’un de ses fils ouvrier alors que le Parlement français adopte à quelques kilomètres de là le projet européen d’énergie atomique. On parlait déjà de révolution quand les peuples renversaient leur monarque ; que devrait-on dire alors des peuples qui ont vu se dresser des blocs de béton sur les tombes de leurs ancêtres vieux d’un demi-millénaire ?

 

C’est cela que l’on appelle l’accélération de l’Histoire. Comment ne pas se sentir pris d’un vertige, même léger, lorsque l’on reconsidère un instant les changements qu’à subi le monde pendant le vingtième siècle, et déjà avant, pendant le dix-neuvième. Mais cette accélération inhabituelle et passionnante de l’Histoire échoue pourtant comme dans une impasse. L’Histoire ne vit plus ; nous sommes, malgré nous et sans le comprendre, passés à autre chose. Le vingt-et-unième siècle tout simplement ? 

 

       -"Ne sait-on plus vivre l’Histoire ? Ne sait-on plus être historien ?"-

 

Les civilisations ont parfois mis un temps fou à « sortir » d’un siècle, comme l’Europe qui n’a plongé réellement dans le vingtième siècle qu’après Hiroshima. Et nous nous serions extirpés de ce siècle en une petite décennie ? Non, nous sommes passé à autre chose : nous sommes hors de l’Histoire désormais. Mondialisé, globalisé, déstructuré, le monde n’est plus qu’un ensemble géopolitique et économique, où « l’actualité » a pris le pas sur « l’historique ». En un mot, les temps se vivent comme un journal télévisé, et non plus comme les manuels Lavisse, avec cette note de nostalgie et d’idéologie propre à l’historien.

 

Ne sait-on plus vivre l’Histoire ? Ne sait-on plus être historien ?  L’Histoire pourrait bien être un paradigme temporel achevé, qui a fait son temps et qui ne correspond plus à la temporalité humaine et à la conception actuelle de la transmission du « savoir » (bien comprendre le « savoir » comme on pourrait dire le « connaître »). Car tout est là : l’écriture a crée l’Histoire car elle a mis fin aux traditions orales et a permis une transmission de connaissance hors de l’homme ; les bases de données la tuent désormais car l’information est un flux sans début ni fin qui ne hiérarchise pas, qui n’interprète pas. En un sens, l’Histoire a toujours été une affaire de livres : elle ne se nourrit que de textes, de documents, d’archives. Le travail de l’historien n’est pas tellement de « savoir » mais bien de donner un « sens ». C’est important car l’Histoire est une conception du temps selon laquelle le temps évolue, va vers quelque chose. C’est l’idée de la chronologie. Cela nous semble évident. Pourtant il est des peuples où le temps est conçu comme une sorte de support, comme une dimension qui permet simplement aux choses de se dérouler. Raconter une anecdote, une légende de mille ans d’âge ou qui s’est déroulé l’année passée, ce n’est pas cela l’essentiel à leurs yeux. Le « ici et maintenant » n’est pas daté, étiqueté, conservé ; le langage même de ces peuples ne permettrait pas d’exprimer l’Histoire comme nos langages expliquent si mal leur conception du temps.

 

 -"L’Histoire est une conception du temps selon laquelle le temps évolue, va vers quelque chose"-

 

L’histoire est une sédimentation des connaissances, les couches se superposent et peuvent être situées les unes par rapport aux autres. Le temps de l’information est comme une plage de sable, où chaque grain est une information. Le « savoir » est toujours au centre des attentions mais il est vain de chercher à construire quelque chose dessus, car l’information comme le sable est trop mouvante. Le « savoir » n’a plus rien à voir avec « l’apprendre ». C’est pour ça que l’Histoire semble agoniser, car après des millénaires à croire que l’on pouvait apprendre des erreurs du passé à travers l’Histoire, l’humanité actuelle conceptualise l’information comme une simple ressource d’où il faut extraire « la pépite ». Le pas est énorme, mais intéressant.

 

 

H.C.

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  • : Etudiante en école de commerce, après deux ans en khâgne, je publie ici un certain nombre d'articles sur des sujets divers.
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